Blandine Hutin-Mercier, La Montagne
Auteur du légendaire album Les derniers géants , l’auteur François Place revient sur ses terres d’enfance et de rêveries avec La 2 CV, la nuit, un petit livre charmant.
Ce ne devait pas être un album illustré de ses habituelles et magistrales aquarelles, mais François Place n’a pas résisté : des dessins, petits croquis amusants et enfantins, il en a glissé à chaque fin de chapitre de son nouveau livre, La 2CV, la nuit (Les éditions du Sonneur).
Un petit livre, édité dans la collection Ce que la vie signifie pour moi, qui tranche avec ce qu’il publie depuis des années, mais que l’auteur a pris un plaisir tout particulier à écrire. Le récit, raconté « à hauteur d’enfant », de ses vacances en Corrèze, « dans le hameau maternel » juché sur le plateau de Millevaches. Un temps « assez fondateur de mon parcours, même s’il est assez ancien maintenant. J’y ai trouvé les sources de mon inspiration, des sensations, des réflexions même alors que j’étais enfant, qui ont été prolongées par la suite. Je me vois mal aujourd’hui dessiner, écrire sans ce passage de mon enfance ».
Où l’on suit le gamin qu’il était alors, au tournant des années 60-70, dans ses aventures bucoliques et poétiques. À la suite de ses oncles et tantes, durs à la tâche et doux à la tendresse ; dans les pas des poules, vaches et cochons qui sautillent, se bâfrent et se carapatent à leur guise ; dans la lumière des phares de la fameuse 2CV, instrument par excellence de travail et de liberté. « La nuit, c’est vraiment le véhicule du rêve, un peu fantastique. Il y a un petit côté film muet dans les images qui tressautent ».
« Toucher du doigt une réalité beaucoup plus ancienne est une richesse »
On est bien loin des aventures épiques et d’outre-mer qu’il nous conte dans ses albums jeunesse (son plus célèbre, Les derniers géants, chez Casterman, est une odyssée à lui tout seul). Encore que les chemins creux et les granges du plateau puissent se révéler des plus aventureuses… « Ce territoire a grandi en même temps que mes cousins et moi grandissions. On y était protégé et on pouvait y prendre des initiatives, de l’assurance. C’est un endroit où l’on peut revenir à des âges différents, en le revisitant et en faisant renaître des souvenirs sous forme de tableaux. Cette exploration géographique, c’est comme cela que j’ai travaillé après. Beaucoup d’images et de textes sont extraits de sensations vécues en Corrèze. Il y a quelque chose d’universel dans la façon de travailler la terre, d’élever les animaux… ».
Choc culturel
Véritable choc des cultures, ces vacances en Corrèze ont offert au gamin de banlieue qu’il était, une langue, chantante et mystérieuse, et une façon de voir le monde, plein d’humour et d’abnégation. « Cette petite dérision arrimée à des micro-événements, ma famille est coulée dedans, et moi aussi. Je trouve ça beau d’avoir fait ce livre aussi pour eux ».
Loin de toute nostalgie ou d’un misérabilisme déplacé, François Place laisse sa plume et ses souvenirs courir, à la manière d’un la Fontaine ou d’un Bergounioux, l’impression d’étouffement et l’envie de fuir en moins. « Avoir touché du doigt une réalité beaucoup plus ancienne est une richesse. Ce livre m’a permis de rêver sur ce qui m’a permis de trouver l’énergie de rendre ma vie belle. C’est important d’avoir un endroit dans sa tête où on sait qu’on est bien ».