Émilie Chassevant, Ouest France
La marche du monde animal n’a pas la couverture médiatique qu’elle mérite. C’est l’homme qui se taille la part du lion dans l’actualité. Depuis 2004, le grand reporter Marc Kravetz…
La marche du monde animal n’a pas la couverture médiatique qu’elle mérite. C’est l’homme qui se taille la part du lion dans l’actualité. Depuis 2004, le grand reporter Marc Kravetz rééquilibre la balance dans Portraits d’animaux, sur France Culture. Des chroniques aujourd’hui éditées dans un recueil. Il y raconte la vie de Bo, le locataire canin de la Maison-Blanche ; de Pierre, le manchot qui ne plonge plus sans sa combinaison de néoprène. Ou celle de Marjan, le lion de Kaboul.
Lui non plus n’a pas été épargné par la guerre civile. Croyant prouver sa bravoure, un moudjahidin le défia. L’homme n’y survécut pas. Par vengeance, son frère défigura Marjan avec une bombe à clous. Édenté et aveugle, le lion survécut à ses blessures. « Pour de nombreux Afghans, Marjan est le symbole du peuple. » Sa mort, des années plus tard, fut célébrée comme un deuil national.
Les « bipèdes », comme il nous appelle, étonnent Kravetz. Il évoque cette chercheuse qui a fait de son chat un sujet d’étude (il adapte son miaulement à ce qu’il souhaite obtenir). Ou encore ces policiers nigérians qui ont jeté en garde à vue une chèvre « complice » de voleurs de voiture.
« Je veille à ne jamais ridiculiser les gens », précise Kravetz. Cette règle journalistique vaut aussi pour son bestiaire. Il fouille, recoupe les infos glanées sur Internet. Tout est vrai, c’est le plus surprenant !
On apprend qu’une grenouille aurait pu guérir nos maux d’estomac. Cette cousine australienne de la rainette couve ses oeufs dans son ventre grâce à une substance hormonale qui bloque ses acides digestifs. La science s’emballe : elle y voit la fin de nos ulcères ! Espoir de courte durée : l’espèce s’est éteinte à la fin des années 1970. « Dès qu’on perd une espèce, on perd un moyen d’en sauver d’autres. »
Tout est lié dans le vivant. Comme l’acacia, la fourmi et la girafe, dont la sauvegarde tient à un équilibre triangulaire. En mordant la langue des girafes, friandes d’épines, la fourmi protège l’acacia. Mais si l’on éloigne les prédateurs de leur plat favori, la fourmi se désintéresse de l’épineux. Elle laisse la place à d’autres insectes et l’arbre finit par mourir. « La biodiversité n’est pas qu’esthétique. »
Kravetz éveille notre curiosité. Si ses portraits d’animaux émerveillent, l’image qu’ils renvoient des hommes est désenchantée.