Le Préfet maritime, L’Alamblog
Les plus jeunes d’entre nous ne se souviennent pas d’Errol Flynn, le sémillant Robin des bois à galure vert plumé de 1938 (réal. Michael Curtiz & William Keighley). Ils le confondent avec Russell Crowe, ou Kevin Costner (les post-ados) et se demandent bien comment l’on peut se tromper ainsi de nom…
Mais non, Errol Flynn fut bel et bien notre Robin des Bois à nous, avant que Walt Disney nous en fabrique un en forme de renard.
Notre Robin des bois était sémillant dis-je, bondissant, charmant, séduisant, il avait de la gueule et une fine moustache de danseur mondain. On l’aimait vraiment bien. Et on ignorait encore, enfants que nous étions que ce grand gaillard de Flynn, natif de Tasmanie – on peine à y croire -, aventurier dans l’âme, menteur invétéré et amuseur permanent, avait aussi tâté de la plume.
Il avait, nous dit son traducteur Thierry Beauchamp, une forte envie d’être un écrivain, et il ne cessa, de fait, de placer ici et là articles et reportages, voire de publier des livres. On a pu passer à côté, il ne serait pas raisonnable de ne pas y aller voir car l’oiseau vaut son pesant de poil à gratter.
Les deux textes réunis aujourd’hui ramènent aux temps où Madrid luttait contre les fascistes de Franco, et où Castro mettait à la mer le tenant de Cuba. On est en droit de se demande ce que le comédien faisait là. Sous prétexte de produire des articles pour la presse américaine, il semblait surtout désireux d’aventures. Et il fut servi.
« quelque chose me disait que le service publicité (de son producteur) ne me suivrait pas sur le front, dans les tranchées d’une bonne guerre bien saine. »
Pas trop secoué par les combats à Cuba où le spectacle se déroule assez loin et où les filles rebelles n’étaient pas maquillée – sans compter que les routes étaient tape-culs et les encas picrocholins pour un grand gaillard d’1m88 -, il l’est beaucoup plus à Barcelone où les shrapnels claquent comme des coquilles d’œuf à ses oreilles et où l’effondrement d’un plafond le laisse quatre heures dans le coma. Et avec la bête réputation d’être trépassé…
Mais Errol a de bonnes raisons de soutenir la rébellion :
« Depuis l’enfance, j’ai toujours été attiré – sans doute par romantisme – par l’idée de cause, de croisade. Et c’est ainsi que derrière la façade du noceur impénitent se cache un jeune homme qui n’a pas perdu foi dans la vie. Je suis toujours ravi de voir les sans-grade, les anonymes du monde entier se révolter, je suis avec eux, je suis l’un d’eux. Sans doute le tournage du film Robin des Bois a-t-il déteint sur moi mais quand j’observe un pays pauvre réclamer ce qui lui est dû, allez savoir pourquoi, je ne peux m’empêcher de tendre la main – m^me si c’est uniquement, comme certains se plaisent à le dire, pour attraper un verre. »
Un vrai gilet-jaune, cet Errol… Enjoué, taquin, il parvient à rencontre Castro à quelques jours de sa victoire et il plaisante avec lui :
« Et, dès lors, nous ne nous donnâmes plus que du Fidele et du Errol.
– Écoute, mon pote, dis-je dans mon espagnol limité, ça te dérange si, de temps en temps, je prends une lichette du délicieux vin de ton pays (le rhum) pour rendre un peu plus viable cette situation révolutionnaire ?
Il n’y vit pas d’objection, mais de son côté il détestait l’alcool sous toutes ses formes. Je déduisis de la manière dont il formulait ses objections qu’il essayait de me dire qu’il était allergique aux boissons fermentées.
– J’avais le même problème, répliqua-je, mais grâce à un régime drastique, j’ai réussi à m’en guérir.
Vous avez compris qu’il s’agit là d’un excellent livre pour entamer l’année dans la bonne humeur.
Vive Robin des bois, viva la Revolucion, viva la republica siempre, viva Flynn.