TigreEtude

Revue Études • Marie Goudot

« Tout être humain est un chasseur : un chasseur en quête d’aveux. » La phrase suggère déjà la tonalité du livre (écrit dans les années 1960 et publié dix ans plus tard) et ses multiples dimensions : allégorique, politique et religieuse. C’est également un roman captivant qui fait partager la terreur des personnages, sept hommes dont l’âge, le passé et les croyances diffèrent profondément. Une sorte de condensé du village de l’île de Sumatra, qu’ils quittent pour une cueillette de résine dans la jungle. Bientôt la mort rôde, et la question : qui échappera au tigre qui les traque ? Deux personnages se détachent. Le vieux Wak Katok, dukun (« guérisseur ») aussi vénéré que redouté, et le jeune Buyung qui l’admire avant que ses yeux ne se dessillent. Roman d’apprentissage donc, pour lui et pour ses compagnons, face au dukun qui veut les contraindre à avouer des péchés qui risquent de retomber sur le groupe (le fauve serait envoyé par le ciel comme punition). Dès lors, Buyung découvre le tigre qui sommeille en chacun d’entre eux, tandis que se révèle la véritable nature de Wak Katok que Mochtar Lubis, dans sa préface, compare à Sukarno (1901-1970), premier président de la République indonésienne, contre lequel il n’a cessé de lutter, quitte à connaître la prison. Si le roman est une violente dénonciation de l’autoritarisme, des abus, de l’hypocrisie du gouvernant, il est plus largement appel à la réflexion sur la nécessité de chasser son tigre intérieur et de respecter les valeurs essentielles pour y parvenir et, en premier lieu, la tolérance. Un très beau roman, à la portée universelle.

 

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