Mathieu Lindon, Libération
Le Pont d’Alexander, écrit en 1911, est le premier roman de Willa Cather (l’Américaine est née en 1873 et morte en 1947). Alexander est dans ce titre le nom d’un homme et non celui d’un lieu. «Ce n’est pas l’histoire d’un pont et de comment il a été construit, mais celle d’un homme qui construit des ponts», dit Willa Cather dans un entretien au New York Sun à la sortie du livre, en 1912 (on trouve ce texte dans Willa Cather in Person, paru à University of Nebraska Press, le Nebraska étant l’État dans les prairies duquel les parents de l’écrivain s’installèrent quand elle avait dix ans et qui allaient nourrir son œuvre). Le héros, toujours selon les mots de l’auteur, commence sa vie avec une « force païenne », « avec peu de respect pour autre chose que la jeunesse, le travail et le pouvoir ». Mais sa femme est dans un monde social plus délicat et il l’admire. Tant que l’énergie d’Alexander se déploie dans son travail, « tout va bien », « mais il court le risque de rencontrer de nouvelles émotions aussi bien que de nouveaux stimulants intellectuels ». Le roman est l’histoire de ces rencontres, l’exploration de ces terres inconnues d’Alexander où il lui faut pourtant bien se débrouiller tel un aventurier d’un nouveau genre.
[…] Le Pont d’Alexandre montre Willa Cather, romancière débutante, affronter un monde nouveau pour elle, devoir y faire face à des problèmes somme toute similaires à ceux que rencontre son héros — et y répondre, livre après livre, tout à fait différemment.