Whitechapel

Fabienne Pascaud • Télérama TT
Régal que cet halluciné premier opus de Cyril Anton, 52 ans, parolier, critique d’art et érudit en tous genres. Ainsi son récit, mâtiné de fantastique et de gothique, d’épouvante et de poésie noire, est-il truffé de clins cinéphiliques, du Freaks de Tod Browning (1932) à Elephant man, de David Lynch (1980), de Citizen Kane, d’Orson Wells (1941), à Sweeney Todd, de Tim Burton (2007). Nul besoin de références, pourtant, pour savourer ce conte sulfureux et macabre dans le Londres mal famé de la fin du XIXᵉ siècle. Le héros, Oscar Swinburne, y est un jeune nain aristocrate, surdoué du piano, mais dont seule s’occupe une domestique estropiée, amoureuse d’une boule de neige. Honteux de sa difformité, ses parents finissent par le vendre à un chenil. Le Freddy, un pianiste de jazz noir, le rachète et l’emmène à Whitechapel, quartier misérable où rôde Jack l’éventreur. Mais le généreux homme est vite atrocement assassiné par un gang préfasciste, prénazi, hostile aux handicapés, aux émigrés, aux homosexuels : le terrifiant Tabula Rasa. Oscar veut venger son ami, protéger les affligés sous une géante boule de neige. Amoureux fou d’une prostituée muette et unijambiste, il se fait opérer pour devenir plus grand, mais tombe sur le chirurgien dément de Tabula Rasa… D’un coup de théâtre à une scène de torture, la grand-guignolesque et surréaliste fantaisie de Cyril Anton ose avec audace l’épouvante sur un rythme jazzy. Si l’imagination sans limite du primo-romancier se joue de la cruauté, sa défense des marginaux déborde de tendresse. Un récit politique, aussi ? Juste insensé.

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