Jérôme Goude, Le Matricule des anges
Savant et doucement subversif, Mémoires d’un libraire pornographe conte les aventures lucratives et charnelles d’un spécialiste des ouvrages dits de second rayon. Qui n’a pas, à l’aube des tâtonnements érotiques confidentiels, bravé la censure familiale en feuilletant d’une main fébrile et coupable quelques ouvrages licencieux ? Quel apprenti-jouisseur aurait l’outrecuidance d’affirmer, d’un air couillon, qu’il n’a jamais emprunté dans le recoin inhibant de quelque rayonnage Les Onze mille verges de Guillaume Apollinaire ou Justine ou les Malheurs de la vertu du marquis de Sade ? Gageons que nos lecteurs ont franchi le cap de cet apprentissage, d’une façon éhontée, et qu’ils sauront, tels les collectionneurs égrillards d’Armand Coppens, égayer leur bibliothèque, leur boudoir ou leur garçonnière, avec ses irrésistibles Mémoires d’un libraire pornographe.
Publié pour la première fois en Angleterre en 1969, puis en France en 1970, ce livre offre tous les attraits d’un authentique « curiosa » érotique ou, selon les termes du préfacier Emmanuel Pierrat, d’une savoureuse bizarrerie littéraire. Armand Coppens, non satisfait d’être l’auteur hétéronyme de ses Mémoires, en est le principal protagoniste ou, mieux encore, l’incorrigible garant. […] De Bruxelles à Londres, en passant par Cannes, Monte-Carlo ou, entre autres Amsterdam, Armand Coppens court les ventes aux enchères, sonde les bibliothèques d’improbables particuliers, à l’affût d’une édition rare, originale. Mémoires d’un libraire pornographe enchaîne, sur un ton libre, jubilatoire et frondeur, anecdotes graveleuses et portraits de tous poils. […] Au-delà de cette paillardise pullulante, Mémoires d’un libraire pornographe renferme quelques réflexions bien senties et sur la diffusion clandestine et sur le rôle de la prose et des images sulfureuses. […] En sorte qu’il est possible de lire ce texte agréablement inconvenant comme un essai ou, l’auteur véritable qui se cache derrière le pseudonyme d’Armand Coppens étant un fieffé érudit, comme une anthologie. Libre donc à l’amateur éclairé de choisir maintenant parmi la liste des ouvrages cités, selon ses petites déviations sexuelles et ses fantasmes, entre Les confidences d’un baronnet de Flogger, le Monument du culte secret des dames romaines de Pierre d’Hancarville, Trois Filles de leur mère de Pierre Louÿs, Mrs. Goodwhip et son esclave de Bob Slavy et, frustration oblige, etc.