Le Bulletin de la Commune • Philippe Mangion
Écrire un roman historique, c’est compliqué. Il faut trouver le juste équilibre entre les faits avérés et les scènes fictionnelles, chercher la crédibilité plutôt que la preuve, ne pas tout dire pour laisser la magie de la lecture opérer. Si l’imaginaire du lecteur prend le relais, si son cerveau droit l’emporte sur le gauche, c’est gagné.
Sandrine Berthet a relevé le défi et son livre est une réussite. Sous la forme d’un récit au présent, le narrateur, Étienne Delandre, nous embarque à bord de la frégate Danaé pour le terrible voyage des condamnés communards vers la Nouvelle-Calédonie.
Durant les huit années qu’il passera sur l’île, jusqu’à l’amnistie générale, notre témoin connaîtra différentes situations, celle de « blindé » dans l’enceinte fortifiée de l’île Ducos, de contremaître dans une usine de nickel ou d’employé dans un bazar de Nouméa. Autant d’occasions pour l’auteure de restituer la vie quotidienne de la colonie et les événements cette décennie 1870, marquée en particulier par la révolte canaque de 1878.
Bien sûr, Étienne Delandre fréquente des déportés célèbres, mais Sandrine Berthet ne se contente pas d’en faire une simple galerie de portraits. Nous vivons le désespoir d’Henry Bauër, nous sommes impressionnés par l’énergie de Louise Michel, nous souffrons pour Allemane enchaîné, nous sommes agacés par Rochefort l’aristocrate, intrigués par le singulier Adolphe Assi.
Enfin, Sandrine Berthet a eu la bonne idée de grandir en Nouvelle Calédonie. Ainsi, dans ses mots, les lignes d’horizon, les couleurs du ciel et de la mer, la puissance des cyclones portent la marque du vécu, de l’authentique.
Alors, lecteurs, laissez-vous porter, acceptez le contrat de confiance de Sandrine Berthet, et attendez la fin du livre avant de vous jeter sur Internet. Encore baigné dans l’atmosphère de la colonie pénitentiaire, vous n’en serez que mieux récompensés, en particulier par les photos d’Allan Hughan que l’auteure porte à notre connaissance.