Charles Ficat, La Revue des deux mondes
Avant la guerre de 1914, Maïakovski était un poète futuriste avide d’avant-garde. Comme beaucoup d’artistes ou d’intellectuels, il s’enthousiasme pour la révolution russe et l’immense élan qu’elle suscite, y compris esthétique. Dès lors son art épouse les circonstances : il s’agit de s’adresser aux masses et d’indiquer les voies nouvelles du bonheur. De 1922 à 1929, il accomplit des voyages en Europe occidentale et en Amérique, prêchant à travers des conférences et des récitals de ses poèmes la cause de la révolution. Les textes ici rassemblés racontent son séjour de 1925 dans le Nouveau Monde. Publiés dans les journaux soviétiques, ils offrent un ensemble fort intéressant sur un pays en plein essor, qui n’a pas traversé encore la Grande Dépression, mais appelé à se développer encore davantage.
Son escale au Mexique lui offre une rencontre avec le peintre Diego Rivera, « un homme aux dimensions colossales, avec un bon ventre, un visage large et toujours souriant ». Puis New York, avec son grouillement extraordinaire. Évidemment son regard est empreint d’idéologie : « Le meilleur moment à New York, c’est le matin, sous l’orage. Pas un badaud, personne en trop. Uniquement les durs à la tâche, la grande armée des travailleurs de cette ville de dix millions d’habitants. » Puis des haltes à Chicago, « différente de toutes les autres villes, non par ses bâtiments ou ses habitants, mais par son énergie toute chicagoane », et Detroit avec ses imposantes usines automobiles. Enfin ce sera l’heure du retour vers Le Havre. Le style élégant et rapide évite toute forme d’ennui : le Maïakovski prosateur rivalise avec le poète. Outre le charme des impressions marquées par les mentalités de l’époque, ce recueil souligne aussi l’influence de la présence russe dans l’histoire du peuple américain : un apport important qui comptera tout au long du XXe siècle.