Delphine Berdah, La Recherche
La lecture de La Tentation de la bicyclette rappelle la sensation sucrée et très nostalgique que procurent ces bonbons à la violette qu’on laisse fondre sous la langue et qu’évoque la jolie couverture en papier glacé. Edmondo de Amicis croque l’engouement populaire suscité à la toute fin du dix-neuvième siècle par « la petite reine », parée de toutes les vertus, qu’elles soient médicales (en « cure » des désagréments de l’âge) ou littéraires (remédiant aux « stagnations dans le flux du propos »). Que de tentations pour l’homme de lettres ! Tentations de la vitesse, de la fougue, de l’aventure de la jeunesse incarnée par la bicyclette, et auxquelles cèdent ses contemporains. Or justement, de jeunesse, Edmondo de Amicis n’en a plus, et « la petite sorcière » s’amuse à le lui rappeler ! Avec beaucoup d’humour et de talent, Amicis dépeint les « commendatori arc-boutés, cavalieri courbés par les rhumatismes », « adipeux », « soufflant », dont il raille le ridicule et pourtant malgré tout admire l’audace !
Doit-il se moquer de son image et se lancer sur la machine ou cacher derrière sa dignité l’humiliation de n’avoir pas osé essayer ?
Un joli plaidoyer pour le carpe diem et contre l’autocensure, quels que soient les outrages de son âge et de son temps !