Dom Moreau, Penser/classer
Futé, Tabish Khair, parce que durant la lecture de ce roman brillant à plus d’un titre, on suppute, on suspecte, on imagine, on interprète, et nous voilà pris dans ce mouvement si peu rationnel qu’il nous conduit au préjugé alors que le jugement ne peut avoir lieu qu’après l’exposé des faits. En ces temps de racisme que l’on pourrait croire — au vu de l’actualité — devenu ordinaire, en ces temps de replis identitaires, ce livre est important parce qu’il déplie notre manière d’appréhender, dans la trame sociale, ce qui est différent de nous, ce qui est nouveau, et parce qu’il montre notre faiblesse à nous rassurer en réduisant le portrait de l’autre à nos peurs, en le faisant rentrer dans un cliché, une case. Démarche rapide et qui, pourtant, paradoxalement, s’installe comme une certitude. Nous vivons dans un monde complexe, et cette complexité, faute d’être décodée, inquiète. Il faudra bien, néanmoins, sous peine de lever des conflits communautaristes et nationalistes inutiles, d’arrière-garde et dangereux, et en dépit des discours réducteurs des médias ou des hommes politiques, accepter de vivre avec, voire davantage : accepter que d’elle, dans un vingt et unième mondialisé, chacun d’entre nous participe.