Sophie Pujas, Le Point
Errol Flynn, premier gonzo-journaliste ?
Saviez-vous que le plus célèbre Robin des Bois de l’âge d’or d’Hollywood fut aussi reporter de guerre ? Mais à sa façon : flamboyante et fantasque. L’acteur Errol Flynn (1909-1959) s’improvisa également correspondant de guerre.
On connaît bien Errol Flynn (1909-1959), tout de vert vêtu, en Robin des Bois bondissant devant la caméra technicolor de Michael Curtiz. On sait moins que son goût des sensations fortes le poussa à s’improviser correspondant de guerre… Et pas n’importe où : pendant la guerre d’Espagne, et auprès de Castro, à la veille du renversement de Batista. Deux reportages parus en 1937 et 1959 dans la presse américaine, et inédits en français, paraissent aux éditions du Sonneur. Heureuse surprise : celui que l’on surnomma « le diable de Tasmanie » (parce qu’il venait d’Australie) y révèle un fort savoureux talent de raconteur d’histoires.
Cabotin, Errol Flynn se met en scène en tête, mais non sans humour. Il n’hésite pas à se dépeindre apeuré par les tirs, ou obligé de gérer les aléas liés à sa célébrité : devoir démentir sa mort prématurément annoncée en Espagne, par exemple, ou se frayer un chemin parmi les révolutionnaires cubains à coups d’autographes… Entre les deux textes, pourtant, deux décennies se sont écoulées, et le temps a (un peu) fait son œuvre : si Errol Flynn se dépeint en complet touriste en Espagne, à Cuba, il semble bel et bien sensible à la cause révolutionnaire. Avec cet argument imparable : il connaît bien Cuba pour l’avoir beaucoup fréquenté avec son yacht… « Depuis l’enfance, j’ai toujours été attiré – sans doute par romantisme – par l’idée de cause, de croisade. Et c’est ainsi que derrière la façade du noceur impénitent se cache un jeune homme qui n’a pas perdu foi dans la vie. Je suis toujours ravi de voir les sans-grade, les anonymes du monde entier se révolter, je suis avec eux, je suis l’un d’eux. Sans doute le tournage du film Robin des Bois a-t-il déteint sur moi, mais, quand j’observe un pays pauvre réclamer ce qui lui est dû, allez savoir pourquoi, je ne peux m’empêcher de tendre la main – même si c’est uniquement, comme certains se plaisent à le dire, pour attraper un verre. » Avec Castro, raconte-t-il, ils auraient discuté d’art oratoire. Fidèle à la vérité ? Rien n’est moins sûr. Mais c’est une affaire entendue : mieux vaut imprimer la légende. Toujours.