KhunSrun-Etudes

Richard Rechtman, Études

La parution de L’accusé marque une date importante dans l’histoire des rapports complexes que la France entretient encore aujourd’hui avec ses anciennes colonies du sud-est asiatique, et participe à l’heureuse redécouverte de la production intellectuelle et artistique de cette région du monde. Le jeune Khun Srun (1945-1978), intellectuel khmer nourri de culture française, de littérature et de philosophie, s’engagea très tôt dans la dénonciation de l’autoritarisme du gouvernement cambodgien de Lon Nol (président de la République khmère, 1970-1975), mais il en paya le prix fort. Incarcéré à plusieurs reprises, il conserva de ses détentions un souvenir précis qui alimenta sa prose et sa poésie. Le jeune idéaliste pacifiste rejoignit finalement la guérilla khmère rouge qui, au début des années 1970, semblait encore porteuse d’un idéal de liberté et de progrès social. Ses leaders n’étaient-ils pas, comme lui, des amoureux de la pensée française ? La désillusion fut dramatique pour tous les intellectuels ayant rejoint les Khmers rouges. Tous ont fini assassinés, comme Khun Srun, mort au tristement célèbre centre de détention et d’interrogatoire S21 de Phnom Penh. L’accusé vaut aussi pour ses qualités littéraires et l’audace de sa pensée, pour le remarquable accord d’une pensée riche, foisonnante, imprégnée de Franz Kafka et d’Albert Camus, et d’un imaginaire poétique d’une très grande sensibilité, puisé dans la culture cambodgienne. Khun Srun réussit à nous faire saisir à la fois la peur, l’incompréhension, l’indignation, la fatigue, la souffrance, parfois l’espoir, mais plus souvent la solitude et le sentiment d’abandon d’un homme livré à l’arbitraire de ses tortionnaires. Une plongée dans l’âme cambodgienne qui rejoint l’universel.

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