Le Courrier • AGC
La rentrée littéraire s’ouvre sur un climat post-apocalyptique, pari risqué quand la pandémie aurait pu nous dissuader de nous confronter à un genre qui campe la fin de l’humanité. Pourtant, le roman de Laurine Roux fonctionne parfaitement. Tout repose sur les épaules de son héroïne Gemma, née dans le Sanctuaire, propriété discrète au cœur d’un univers dévasté par une épidémie virulente. La jeune fille n’a rien connu du « monde d’avant », celui que ne cesse de pleurer sa mère jusqu’à en perdre la tête, celui que sa grande sœur se targue de si bien connaître.
Au milieu de ces trois femmes, le père, figure tutélaire et presque martiale, leur apprend à tuer les oiseaux, agents de contamination de la grippe meurtrière, et leur défend surtout de franchir les limites de la propriété. Lui seul s’accorde le droit de quitter parfois ce huis clos familial, rapportant alors les dérives des rares survivants à l’extérieur. Outrepassant les interdictions, elle va faire une rencontre qui chamboulera sa vie, toutes ses certitudes et peut-être aussi un peu celle du lecteur.
Poétique, porté par une écriture peaufiné à l’extrême, Le Sanctuaire est empreint d’une vraie tension, voire d’une sacrée dose de sagesse. Dans ce récit initiatique, Gemma soulève des questionnements qui la dépassent : besoin de sécurité contre envie de vivre, confiance contre désinformation, expérience personnelle contre règles imposées. Toute une palette d’émotions contradictoires qui dépeint à merveille la réalité contemporaine.