À propos d’un thug
Tabish Khair
Traduit de l’anglais (Inde) par Blandine Longre
Ouvrage traduit avec le concours du Centre national du Livre
THUGS : secte active en Inde du treizième au dix-neuvième siècles, dont les membres pratiquaient le vol et le meurtre par strangulation en l’honneur de la déesse Kali.
Amir Ali, l’un d’eux, a quitté l’Inde pour accompagner, dans la grisaille du Londres victorien, le capitaine William Meadows. Celui-ci a en effet pour projet d’écrire un ouvrage sur cette confrérie meurtrière. Dans le même temps, lord Batterstone, un célèbre phrénologue qui cherche à prouver les différences séparant les hommes et les races, charge un certain John May de lui trouver des crânes et de les lui apprêter. La quête de John May le pousse peu à peu à commettre des crimes abominables qui provoquent sensation et terreur dans tout Londres. Bientôt, les soupçons se portent sur Amir Ali — car qui d’autre qu’un thug, même repenti, aurait pu commettre de tels meurtres ?
Ce roman a été sélectionné pour le Man Asian Literary Prize.
Poète, romancier, journaliste, critique littéraire, Tabish Khair est professeur de littérature à l’université d’Aarhus, au Danemark. Né à Gaya, dans le Bihar, en 1966, il a publié son premier recueil de poèmes, Where Parallel Lines Meet, en 2000 chez Penguin. Son premier roman, Apaiser la poussière, publié aux Éditions du Sonneur en 2010, fut sélectionné pour le Encore Award, prix décerné par la Société britannique des Auteurs. Il collabore régulièrement à divers journaux et magazines britanniques, américains, indiens, danois… tels The Guardian, Outlook India, Times of India, The Independent, The Wall Street Journal, etc.
Marie-Noël Rio, Les Lettres françaises
Apaiser la poussière, le premier roman de Tabish Khair, l’un des auteurs les plus excitants du sous-continent indien, fut publié en 2010 par les éditions du Sonneur. À propos d’un thug est le troisième roman (sélectionné pour The Hindu Best Fiction Prize et The Man Asian Literary Prize en 2010) de cet écrivain né en 1966 dans l’État du Bihar et qui est aussi poète, essayiste, critique littéraire, et enseigne la littérature à l’université d’Aarhus, au Danemark. La traduction de ces deux ouvrages, modèle d’élégance et de précision, affronte avec bravoure les indianismes de l’anglais de Khair.
Qu’est-ce qu’un thug ? Un adorateur de la féroce déesse Bhowani, membre d’une secte active en Inde du XIIIe au XIXe siècle, qui pratique le vol et le meurtre par strangulation, actes qu’il considère comme un rituel religieux.
Un jeune écrivain de nos jours découvre, dans la maison de son défunt grand-père, médecin à Phansa, ville imaginaire de l’État du Bihar, le manuscrit persan d’un certain Amir Ali à Londres en 1837, un journal de la même époque annonçant le meurtre par décapitation d’une « Créole ou Bohémienne » dans le quartier de Spitalfields, et une coupure de presse annonçant la disparition, toujours à la même époque, de lord Battestone, aristocrate et phrénologue d’un déterminisme ultra. Dans la bibliothèque du grand-père, il y a aussi des livres, bien sûr, notamment Notes à propos d’un thug : caractère et circonstances (1840), du capitaine William T. Meadows, autre adepte de la phrénologie mais tempéré par sa foi en la raison et l’éducation. « Qu’elles soient authentiques ou non, dit l’écrivain, ces voix sont véridiques. » Superbe définition de ce qu’est (ou devrait être) le travail du roman.
Je ne dirai rien ici de l’intrigue principale, un suspense dans la grande tradition du roman policier, qu’il ne faut pas déflorer. Le livre est un feuilletage aux innombrables narrateurs, qui font chatoyer les innombrables aspects de la fiction : l’écrivain et son point de vue d’aujourd’hui, en particulier son rapport aux langues, le Capitaine Meadows et son étude sur le prétendu thug Amir Ali qui lui raconte ce que les Blancs veulent entendre (les coutumes barbares des Indiens arriérés et superstitieux, leur vénération pour les colonisateurs anglais, seuls capables d’octroyer la rédemption aux misérables sauvages, etc.), les lettres persanes d’Amir Ali à la jeune servante anglaise dont il est amoureux, qui disent sa véritable histoire mais qu’elle ne sait pas lire, le discours et les agissements du fanatique lord Battestone, mais aussi, mais surtout, Londres au début du XIXe siècle, la ville monstre, sa pyramide sociale qui va de l’aristocratie toute-puissante et de sa police aux bas-fonds, avec la vie épouvantable des domestiques, des pauvres, des épaves venues des confins de l’Empire colonial et qui luttent avec une intelligence, un humour et des ruses magnifiques.
Voilà une belle gifle au très officiel écrivain indo-anglais sir V.S. Naipaul et à sa littérature de soumission.
Gregory Mion, critiqueslibres.com
Khair nous décrit admirablement le Londres dix-neuviémiste par petites touches descriptives, lesquelles font penser à la méthode de Cézanne, donnant ainsi à l’Angleterre une allure impressionniste où la succession des moments descriptifs finit par accomplir une totalité objective dont la vérité fonctionne à rebours. Au reste, quand on mentionne cette qualité de narration, qui plus est soutenue par une multiplicité de points de vue, on est dans l’obligation de saluer l’excellent travail de la traductrice Blandine Longre, qui nous rappelle que traduire, c’est certes interpréter, mais c’est surtout se présenter dans la nudité de l’écriture avec tout ce que cela comporte de risques et d’acribologie, acribologie qui en devient positivement maladive à force d’être compétitive. […] On peut lire ce roman pour de nombreuses raisons : l’anthropologue se souviendra de ses années d’études, l’érudit appréciera, l’honnête homme se divertira, et les obsédés de la différence y dénicheront des disparités socio-historiques qui augmenteront leur verve la prochaine fois qu’ils auront à s’exprimer avec des proches. Qui plus est, Tabish Khair est un grand écrivain, en quoi nous remercions les Éditions du Sonneur de le faire connaître.
ISBN : 9782916136462
Collection : La Grande Collection
Domaine : Littérature étrangère, Royaume-Unis
Période : XXIe siècle
Pages : 288
Parution : 11 avril 2012