Apologie pour le plagiat
Anatole France
Dans ce texte incisif, Anatole France se penche sur la notion de plagiat, procédé qui a émaillé l’histoire de la littérature. Il porte un regard aigu — comme souvent dans son œuvre — sur un point décisif de la création, qui a donné lieu, tout récemment encore, à de retentissants procès.
L’œuvre d’Anatole France est peu connue de nos jours, malgré la lucidité et la pureté de la langue de cet écrivain prolixe. Auteur, entre autres, des romans Thaïs et Les Dieux ont soif, il fut par ailleurs l’un des plus importants critiques littéraires de son temps. Anatole France (1844-1924) reçut le Prix Nobel de littérature en 1921.
Philippe Lançon, Libération
Vers 1891, un « jeune poète », Maurice Montégut, accuse Alphonse Daudet de lui avoir volé son argument théâtral pour écrire une pièce. Dans le premier des deux articles publiés, Anatole France montre que l’argument était commun, que Montégut lui-même a dû le piquer ailleurs, que l’histoire de la littérature est une succession d’emprunts, et que « la recherche du plagiat mène toujours plus loin qu’on ne croit et qu’on ne veut ». C’est le thème de l’arroseur arrosé. Il lui permet de défendre un collègue en dénonçant, avec son ironie tranquille, « la prétention de ceux qui veulent se réserver certaines provinces du sentiment ». Il s’agit donc ici du plagiat d’idées plus que de « copié-collé ». Mais comment faire la différence entre le plagiaire, qui vole stérilement, et l’écrivain, qui vole, qui vole pour créer ? « Le plagiaire est l’homme qui pille sans goût et sans discernement les demeures idéales. Un tel grimaud est indigne d’écrire et de vivre. Mais quant à l’écrivain qui ne prend chez les autres que ce qui lui est convenable et profitable et qui sait choisir, c’est un honnête homme. »
Le premier est un parvenu, dans le genre d’Alain Minc. N’importe quel écrivain, même nul, se prend pour le second. On retombe sur la question de la valeur : « Une situation appartient non pas à qui l’a trouvée le premier, mais bien à qui l’a fixée fortement dans la mémoire des hommes. » Seulement, qui peut être assez vaniteux ou procédurier pour croire qu’une situation lui appartient « dans la mémoire des hommes » ? Trop de gens, écrit Anatole France, car la « splendeur » de la littérature contemporaine « est altérée par deux péchés capitaux, l’avarice et l’orgueil ». Que ne dirait-il pas aujourd’hui ! Le second article est un « cas pratique » de sa démonstration, appliquée à Molière et à Scarron, deux voleurs de génie.
P. My, Le Soir
Un poète inconnu se plaint d’avoir été plagié par Alphonse Daudet. Anatole France lui répond : les idées sont à tout le monde et tout a déjà été pensé. Il prend l’exemple de Molière qui puise chez Scarron une scène du Tartuffe. Mais Scarron s’inspirait d’une nouvelle espagnole. Le talent de l’écrivain compte seul : « Quant à Molière, tout ce qu’il prend lui appartient aussitôt, parce qu’il y met sa marque. » Une leçon de bon sens très contemporaine dans une réflexion de 1924.
ISBN : 9782916136615
Collection : La Petite Collection
Domaine : Littérature française
Période : XIXe siècle
Pages : 48
Parution : 21 mai 2013