Berline
Céline Righi
Texte publié sous la direction de Marc Villemain.
Prix littéraire Québec-France Marie-Claire Blais
Prix du livre à Metz Marguerite Puhl-Demange
Prix Premières Paroles
Grand Prix national Lions de littérature
Fin des années 1960, quelque part dans un pays de fer et de charbon. Une mine vient de s’effondrer, qui a piégé Fernand sous une berline.
À mesure qu’approche une mort presque certaine, celui-ci se remémore son existence « là-haut ».
Évocation tout à la fois réaliste et poétique de la vie des mineurs, Berline fait surgir d’un destin a priori bien sombre d’éclatantes pépites de lumière, de tendresse et d’humour. Avec en filigrane l’espoir d’une renaissance.
Née en 1973, Céline Righi, petite-fille de mineurs, réside entre Strasbourg et sa maison en bois des Vosges. Professeur de Lettres modernes, elle quitte l’Éducation nationale en 2018 pour se consacrer entièrement à ses activités d’écriture. Chanteuse et parolière, elle prête sa plume à de nombreux artistes. Elle anime des ateliers d’écriture destinés aux enfants, aux adultes et aux personnes âgées, et intervient également auprès des détenus de la Maison d’arrêt de Strasbourg. En septembre 2021, elle remporte à l’unanimité le Grand Prix du Jury du concours « Lire pour en sortir », parrainé par Leïla Slimani.
Le Républicain lorrain • Propos recueillis par Xavier Jacquillard
Chanteuse et parolière originaire d’Hussigny-Godbrange, Céline Righi vient de publier son premier roman Paru aux Éditions du Sonneur, Berline suit les pensées de Fernand, piégé dans l’effondrement d’une mine, quelque part à la fin des années 1960. L’auteure livre quelques clefs de lecture, largement familiales.
« Je suis née à Villerupt et j’ai grandi à Hussigny Godbrange, avant mes études à Nancy. Je suis une vraie Lorraine ! Pendant quasiment vingt ans, j’ai enseigné en tant que professeur de lettres modernes. Puis, en 2018, j’ai démissionné de l’Éducation nationale pour me consacrer à mes activités d’écriture : parolière, pour moi et d’autres artistes ; et animatrice d’ateliers d’écriture. En fin, j’interviens à la maison d’arrêt de Strasbourg, auprès de détenus. Mais je garde un lien avec le Pays-Haut : ce sont mes racines, profondes. D’ailleurs, j’en parle dans le livre… »
Ses origines
« L’univers minier m’a toujours intriguée, sans doute car mes deux grands-pères étaient mineurs. Celui paternel travaillait dans la mine de fer à Hussigny. Celui maternel, dans une mine de charbon à Faulquemont. J’avais envie de rendre hommage à ces hommes du fond. Sans oublier les femmes qui, souvent, s’occupaient des gosses, du manger, du ménage etc. Cet univers me touche beaucoup, il me ramène à mon enfance. Et dans ma famille, on s’est toujours évertué à transmettre le flambeau, la mémoire.
À Hussigny, une grande importance est accordée à la survivance de cet univers. L’Association d’histoire industrielle fait revivre ce monde souterrain de manière extrêmement vivante . Je voulais y goûter pendant l’écriture du roman : le vacarme du fond, le noir absolu…
Ces expériences m’ont bouleversée. Et me dire que mon grand-père avait travaillé là était très émouvant. »
Ses sources d’inspiration
« J’ai mis de nombreuses années à écrire ce roman, qui a pris plusieurs formes. Deux histoires bouleversantes m’ont donné le déclic pour modifier la première mouture. D’abord celle de Franz Riva, rescapé de l’effondrement de la mine de Rochonvillers, en Moselle, en 1919. Il est resté quatre jours sous terre, protégé par une berline qui s’était retournée sur lui. Une histoire incroyable ! L’autre est celle d’Auguste Berton, un survivant de la tragique catastrophe de Courrières, dans le Nord, en 1906. Lui a erré seul sous terre pendant 24 jours avant d’en sortir vivant ! Il existe une photograghie de lui, alité, le visage émacié. Cette image m’a hanté pendant toute l’écriture de Berline. Ces deux miraculés ont fait naître le personnage de Fernand. »
Son approche
« Le mot parfait pour mon approche est celui de puzzle. Petite, je ne faisais que ça ! Il paraît même que je les réalisais à l’envers, du côté monochrome, du carton. La reconstitution me préoccupait déjà à trois ou quatre ans. C’est comme ça que je conçois l’écriture, aujourd’hui. Au fil des années, je me suis rendu compte qu’il existait pour moi une analogie entre l’écriture, la reconstitution de la mémoire, le puzzle… À tel point que, quand j’ai écrit certains passages de Berline, je les ai imprimés, découpés, puis j’en ai changé l’ordre en fonction de ce qui me paraissait le plus pertinent. Ce lien au puzzle se retrouve dans le récit : son personnage se prend des blocs sur la tête, des morceaux de cailloux qui n’ont pas tous la même taille. Et qui ne tombent pas tous au même moment. »
DNA • Veneranda Paladino
Céline Righi va au charbon
Chanteuse, parolière, autrice, Céline Righi-Schaub a publié un premier roman qui descend au fond de la mine où Fernand est piégé. Récit initiatique d’une remontée vers la lumière, Berline touche autant car il puise à tout ce qui nous fait résister et se transcender. Renaître à soi-même dans le ventre noir de la mine. Renaître à soi-même, piégé sous une berline, le wagonnet qui circulait dans les galeries de mines de fer. Deux ou trois jours ? Depuis combien de temps Fernand danse-t-il le tango avec la faucheuse, immobilisé après l’effondrement de la mine ? Paradoxalement, « il est dans le noir absolu, rendu presque aveugle et il y voit de mieux en mieux. En lui, ça se rallume… ». D’une écriture concise, imagée aux fulgurances poétiques, Céline Righi-Schaub a publié un premier roman, Berline , qui explore les fibres obscures de l’inconscient. Descendre au fond de la mine relève ici d’une métaphore, car il s’agit de creuser son existence comme un mineur de fond.
Enfermé au cœur de la terre, Fernand écoute sa voix intérieure. « Son enfance explose comme un coup de grisou ». Elle a été lestée par une mère malheureuse et un père aimant mais taiseux. La pauvre mère ne s’est jamais remise d’un enfant mort-né. Fernand porte son prénom et sera le remplaçant, l’éternel second qui ne comptera jamais. Fragile, chétif, Fernand porte une culpabilité qui ne lui appartient pas. « Jusqu’à présent, il avait vécu la vie des autres ». Mais le mort-vivant redémarre sa volonté de vivre alors qu’il ne peut plus bouger.
Elle prête sa plume à de nombreux artistes
Petite-fille de mineurs d’origine italienne, Céline Righi-Schaub a été bercée par l’imaginaire de la mine. Les dédicataires de Berline sont d’ailleurs Marie et Pierre, ses grands-parents paternels. Elle grandit dans le même village minier qu’eux à Hussigny-Godbrange en Meurthe-et-Moselle, près de la frontière avec le Grand-Duché du Luxembourg.
Céline se souvient de la lampe de mineur du grand-père, posée sur le buffet de la cuisine. Dans les années 50, l’aïeul s’occupait des berlines – rien n’était alors mécanisé. Sur le plateau du Pays Haut, elle cultive un goût pour les mots, l’écriture et la littérature. Pour faire le portrait de la mère de Fernand, la romancière s’est inspirée des marâtres comme Folcoche de Vipère au poing d’Hervé Bazin et de Madame Lepic de Poil de carotte de Jules Renard. Pendant vingt ans, Cécile Righi a enseigné le français, à Strasbourg notamment. En 2018, elle décide de quitter l’Éducation nationale pour se consacrer entièrement à ses activités d’écriture. Chanteuse et parolière, elle prête sa plume à de nombreux artistes.
Une vie en majuscule
« Écrire, c’est une façon de me raconter, de mettre en lumière certaines zones d’ombre, avance Céline. Je portais Berline en moi depuis plusieurs années. J’avais envoyé une première mouture aux éditions du Sonneur car j’estime leur travail et ligne éditoriale ». Après quelque temps, elle décide de reprendre le manuscrit en tenant compte des indications des éditeurs Marc Villemain et Valérie Millet. Berline prend forme et délivre la voix de Fernand qui touche à l’universel.
Car dans un formidable effet de miroir, Berline invite le lecteur à faire une semblable introspection. À observer la construction de son identité ; à la réinventer. Récit initiatique, Berline est sous-tendu par un mantra qui serait : « deviens qui tu es » Aux détenus de la Maison d’arrêt de Strasbourg, Céline adresse ce même message : s’évader par l’écriture. Elle y anime un atelier avec Gilles le bibliothécaire – un ancien collègue du lycée-collège Jean Monnet de Strasbourg.
Céline anime également des ateliers d’écriture destinés aux enfants comme aux adultes. C’est dans sa thébaïde de la vallée de la Bruche qu’elle se va consacrer dans le silence et la solitude,
à l’écriture de son deuxième roman. Qui concilie ses deux passions, les mots et la musique. Comme une vie en majuscule.
ISBN : 9782373852615
Collection : La Grande Collection
Domaine : Littérature française
Période : XXIe siècle
Pages : 128
Parution : 12 mai 2022