Eux dont les noms sont inconnus
Sanora Babb
Traduction et préface de Thierry Beauchamp • Ouvrage soutenu par le CNL • Inédit en français
Dans l’ouest aride de l’Oklahoma, le vieux Dunne, son fils Milt, son épouse Julia et leurs deux fillettes, Myra et Lonnie, vivent à l’étroit dans un abri semi-enterré et peinent à gagner de quoi vivre. Malgré les épreuves quotidiennes, ils ne peuvent s’empêcher d’espérer des jours meilleurs. Toutefois, l’accumulation des mauvaises récoltes causées par le désastre du Dust Bowl (littéralement, le « bassin de poussière », nom donné à une série de tempêtes de poussière qui frappa les Grandes Plaines tout au long des années 1930) finit par les pousser à quitter leur ferme et à migrer vers les vallées plus irriguées de la Californie. En guise de terre promise, ils découvrent un système d’exploitation des immigrants sans ressources. Les « Okies », comme on les surnomme, sont méprisés, maltraités et parfois même menacés lorsqu’ils osent réclamer de meilleurs salaires. Sans pour autant perdre leur détermination à résister et à lutter pour améliorer leurs conditions de vie.
Eux dont les noms sont inconnus est un roman très contemporain, dans lequel la vision de l’auteure, aussi brutale qu’habilement mise en scène, repose sur une connaissance intime de son sujet – ayant elle -même subi la misère de plein fouet au moment de la Grande Dépression.
Aux sources des Raisins de la colère de John Steinbeck
Lors de son engagement dans un camp destiné aux réfugiés du Dust Bowl, Babb rassembla dans ses notes de terrain les témoignages de plusieurs centaines d’entre eux. Ces documents précieux jouèrent un rôle déterminant dans la naissance des Raisins de la colère de John Steinbeck. En mai 1938, Tom Collins, le directeur du camp organisa en effet un déjeuner avec Sanora Babb, qui accepta de remettre au romancier une copie de ses notes. Steinbeck se mit à l’écriture de son chef-d’œuvre à la fin du mois de mai, qu’il termina en octobre.
De son côté, Babb manquait de temps pour achever son livre tant sa mission auprès des réfugiés l’accaparait. Elle fit parvenir ses premiers chapitres à Bennett Cerf, directeur de la prestigieuse maison d’édition Random House, au printemps 1939 et l’intégralité du manuscrit en juillet. Or une semaine plus tard, il la reçut dans son bureau pour lui apprendre que son contrat était annulé en raison du succès phénoménal des Raisins de la colère – 200 000 exemplaires vendus en juin 1939, soit moins de deux mois après sa sortie en librairie – et de la trop grande proximité thématique des deux romans. Jamais Steinbeck ne mentionna le nom de Babb quand il lui arriva d’évoquer la genèse des Raisins de la colère. S’il loua l’aide précieuse de Tom Collins, il passa entièrement sous silence le rôle des notes de terrain remises par la jeune femme avec qui il avait partagé un repas en mai 1938. Eux dont les noms sont inconnus ne parut qu’en 2004.
Sanora Louise Babb naquit en 1907 au Kansas et passa une enfance nomade, au gré des déboires professionnels de son père. Après une courte expérience dans l’enseignement, elle décida de se lancer dans le journalisme. Dans les années 1930, elle traversa une période de misère noire, et se retrouva momentanément à la rue. Ce fut à cette époque qu’elle prit sa carte au parti communiste américain, avant de s’engager comme bénévole dans un camp en Californie destiné aux réfugiés du Dust Bowl. Elle en tira Eux dont les noms sont inconnus. Elle est par ailleurs l’auteur d’un roman, d’un récit biographique, et de divers receuils de nouvelles et de poésie. Sanora Babb s’éteignit en 2005, à l’âge de 98 ans.
ISBN : 9782373853216
Collection : Non classé
Domaine : États-unis
Période : XXe siècle
Pages : 384
Parution : 28 mai 2025