La Tentation de la bicyclette
Edmondo de Amicis
Traduit de l’italien par Olivier Favier • Préface d’Olivier Favier
« Je dis les amertumes que me procura la bicyclette, afin d’apporter, je l’espère, un réconfort à ceux qui les ont éprouvées, et pour aider les autres à les éviter ou à s’en libérer. »
Lorsque l’on sait qu’aller à bicyclette développe la maturité intellectuelle et dissout la mélancolie, lorsque le monde entier sombre dans le péché vélocipédique, lorsque résister est un si pénible combat… comment ne pas céder à La Tentation de la bicyclette ?
Edmondo de Amicis naît en 1846 à Oneglia, une petite ville de la côte ligure. En 1863, il intègre l’école militaire de Modène, puis quitte l’armée en 1870 pour se consacrer au journalisme. C’est comme envoyé spécial qu’il effectue le premier d’une longue série de voyages qui le mèneront, à près d’un demi-siècle de distance, le long du parcours idéal des grands écrivains romantiques français, anglais et allemands. En 1886 paraît le Livre-cœur, qui est aussitôt traduit dans plusieurs langues. En 1920, il atteint le million d’exemplaires vendus, ce qui le place loin devant un autre classique de la littérature pour l’enfance, le Pinocchio de Carlo Collodi. En 1891, Edmondo de Amicis adhère au parti socialiste. Il est élu député en juin 1898, à Turin, mais renonce aussitôt à sa charge. En 1899, une partie de ses écrits politiques est rassemblée en volume ; il y défend pour la première fois des positions ouvertement pacifistes. Il meurt en 1908, demeurant l’inventeur du roman-reportage.
Chemin des livres
Que ne peut-on jouir des plaisirs que donnent «les mains sur le guidon et l’âme au vent» ? Dans ce début du siècle où se répand (on dirait aujourd’hui “se démocratise”, comme si le phénomène était lié à la nature des institutions) la pratique de la bicyclette, un vieil homme – du moins un homme se sentant vieillir – lorgne sur ces passants à roulettes qui surgissent de toutes parts, perchés sur leurs machines, arborant des sourires rayonnants d’hommes heureux. Pour- quoi pas ? Pourquoi ne pas faire, comme les autres, du vélo ?
Edmondo de Amicis se livre ici à un très bel exercice, maniant l’humour et la dérision pour dire et mas- quer l’essentiel, qui n’a rien de drôle. L’exercice, bien sûr, est d’auto dérision, et pourtant aussi d’apitoiement résigné sur soi. Il y faut une bonne dose de malice.
Pour en revenir au fait, il apparaît vite que la bicyclette est le remède miracle, la panacée aux maux de l’âge, et c’est visible, qu’elle procure d’immenses joies. Et même, pour- voyeuse de sensations et d’expériences nouvelles, n’est-elle pas à même d’ouvrir l’esprit de qui s’y adonne, et si c’est un écrivain, ne va t-elle pas lui permettre d’enrichir son style de toutes les perceptions inédites qu’elle lui aura prodiguées ? Et puis, com- ment écrire des idylles cyclistes si soi- même on ne pédale pas ? Le non praticien sera-t-il crédible lorsque ses «petits récits, d’amours sur pédalier, de jalousies en selle, d’enlèvements en tandem» manqueront de la précision technique qui aurait dû leur conférer une incontestable réalité ? On le voit l’auteur en rajoute, peut-être pas sans arrière pensée littéraires. Car à faire comme tout le monde on s’expose au ridicule : faut-il se donner «des allures d’éléphant assis dans un tilbury» ? Comment lire cela ? Au premier degré ? Pourquoi pas. Mais aussi, est-ce qu’on n’y peut pas voir une manière d’art poétique ? Pour- quoi vouloir à tout prix s’attacher aux engouements du moment, pourquoi céder au conformisme et de fait oublier ou nier ce que l’on est ? On ne prendra pas tout au pied de la lettre dans ce texte somptueux et vif. Si Edmondo de Amicis se prend lui- même pour «un vieux débris», un «vieux coucou», il n’y a pas là que le constat de l’âge et de ses maux. N’est- ce pas aussi le retour sur une vie d’écriture, au tournant d’un siècle ?
Philippe Brenot, Magazine En jeu
Le renouveau de la bicyclette en ville a suscité la création de cours de remise à niveau destinés aux adultes souhaitant retrouver l’agilité de leur jeunesse avant de s’engager sur la chaussée. Qui a jeté un regard amusé à ces grands enfants malhabiles sourira au plaisant récit que Mark Twain fait de son propre apprentissage dans Dompter la bicyclette, un texte que les Éditions du Sonneur ont eu la bonne idée de traduire. Mais qu’on ne se méprenne pas : quand en mai 1884, à près de cinquante ans, l’immortel auteur de Huckleberry Finn s’offre une bicyclette, c’est avec une âme de pionnier et mu par cette fascination pour le progrès technique qui, dix ans plus tôt, l’avait déjà convaincu de faire l’achat d’une machine à écrire. Son vélo dernier cri est encore l’un de ces engins dont la roue est deux fois plus grande que sa sœur de l’arrière, et monter en selle tient déjà de l’exploit. Ceci explique qu’après avoir dompté l’animal — et essuyé quelques chutes et moqueries —, Mark Twain adresse au lecteur la recommandation suivante : « Procurez-vous une bicyclette. Vous ne le regretterez pas, si vous survivez. »
C’est justement cette appréhension qui — à vingt ans de distance et alors que la bicyclette, domestiquée, commence à ressembler aux compagnes de nos virées d’aujourd’hui — retient l’écrivain et journaliste italien Edmondo de Amicis de franchir le pas. En 1906, à 60 ans il est un homme mûr écartelé entre sa jeunesse d’esprit et son corps alourdi. De la frustration qu’il éprouve à voir ses amis s’enticher de la petite reine nait La Tentation de la bicyclette, « esquisse » dont le préfacier note qu’elle « laisse entrevoir, sous son regard d’enfant émerveillé, la solitude d’un écrivain que la vieillesse obsède ».
ISBN : 9782916136165
ISBN ebook : 9782373850017
Collection : La Petite Collection
Domaine : Italie, Littérature étrangère
Période : XIXe siècle
Pages : 48
Parution : 3 mars 2009