Le Nain de Whitechapel
Cyril Anton
Premier roman • Ouvrage publié sous la direction de Marc Villemain
« Les hommes sont les ombres dans lesquelles ils tombent. Du moins est-ce ce que j’ai pu vérifier dans l’enfer rouge de Whitechapel. »
Londres, fin du XIXe siècle. La révolution industrielle déverse sa violence et la misère rôde. Jack l’Éventreur et Elephant Man ne sont pas seuls à arpenter les rues : un gang appelé Tabula Rasa s’en prend avec brutalité à ceux qu’il regarde comme des rebuts – handicapés, immigrés, homosexuels… Mais un nain, Octave Dièse, va trouver la parade : protéger le quartier sous une immense boule à neige.
Dans un univers proche de celui des films de Tim Burton, Le Nain de Whitechapel est un formidable roman sur la marginalité. Au temps des prémices du jazz, ce récit halluciné offre une réflexion singulière sur la capacité de résistance des hommes, leur cruauté – mais aussi leurs rêves.
Né à Fontainebleau en 1972, diplômé en lettres modernes et en histoire contemporaine, Cyril Anton est critique littéraire et critique d’art pour plusieurs revues, ainsi que pour les Rencontres de la photographie d’Arles. Il est par ailleurs parolier pour divers chanteurs et groupes.
Fabienne Pascaud • Télérama TT
Régal que cet halluciné premier opus de Cyril Anton, 52 ans, parolier, critique d’art et érudit en tous genres. Ainsi son récit, mâtiné de fantastique et de gothique, d’épouvante et de poésie noire, est-il truffé de clins cinéphiliques, du Freaks de Tod Browning (1932) à Elephant man, de David Lynch (1980), de Citizen Kane, d’Orson Wells (1941), à Sweeney Todd, de Tim Burton (2007). Nul besoin de références, pourtant, pour savourer ce conte sulfureux et macabre dans le Londres mal famé de la fin du XIXᵉ siècle. Le héros, Oscar Swinburne, y est un jeune nain aristocrate, surdoué du piano, mais dont seule s’occupe une domestique estropiée, amoureuse d’une boule de neige. Honteux de sa difformité, ses parents finissent par le vendre à un chenil. Le Freddy, un pianiste de jazz noir, le rachète et l’emmène à Whitechapel, quartier misérable où rôde Jack l’éventreur. Mais le généreux homme est vite atrocement assassiné par un gang préfasciste, prénazi, hostile aux handicapés, aux émigrés, aux homosexuels : le terrifiant Tabula Rasa. Oscar veut venger son ami, protéger les affligés sous une géante boule de neige. Amoureux fou d’une prostituée muette et unijambiste, il se fait opérer pour devenir plus grand, mais tombe sur le chirurgien dément de Tabula Rasa… D’un coup de théâtre à une scène de torture, la grand-guignolesque et surréaliste fantaisie de Cyril Anton ose avec audace l’épouvante sur un rythme jazzy. Si l’imagination sans limite du primo-romancier se joue de la cruauté, sa défense des marginaux déborde de tendresse. Un récit politique, aussi ? Juste insensé.
La Provence • Jean-Rémi Barland
"Un livre d'hier qui nous parle d'aujourd'hui" : cet Aixois publie son premier roman, un thriller fantastique
Dans son ouvrage Le nain de Whitechapel, l'auteur Cyril Anton embarque le lecteur dans le Londres du XIXe siècle.
Il y a quelques années, l'auteur et critique littéraire Angelo Rinaldi écrivait dans l'une de ses chroniques : « Un roman, c'est du chagrin soutenu par la grammaire. » On peut dire que lors de la rédaction de sa fiction Le Nain de Whitechapel, l'Aixois Cyril Anton a fait sienne cette définition qu'il aime citer volontiers.
De chagrin, il en est beaucoup question dans l'histoire de son héros qui, « malgré ses petites jambes, a passé sa vie à courir après le temps.» Un nain donc, qui avant de se faire engager par Scotland Yard pour résoudre une série de crimes perpétrés par un gang appelé Tabula Rasa, était appelé par les gens « Half Pint », « Little Lord », « O » ou « Demi-Portion ». Un enfant mal aimé de son père, un être brutal qui lui préfère son jumeau Vincent Swinburne, pourtant bien moins doué que lui pour l'équitation, l'escrime, les études et surtout la musique et le piano.
Violence et misère londonienne
Inacceptable pour le chef de famille qu'Oscar, qui a gardé un corps d'enfant mais écopé de la laideur des adultes, soit plus performant que le fils normal... Homme sans cœur, le père abandonne son « nain de fils » dans un chenil où il sera récupéré par Freddy, un vieil homme noir, misérable, bienveillant et merveilleux pianiste. « Freddy avait aussi trouvé en lui un fils, et Oscar, une nouvelle famille », nous dit-on. Une famille composée de chiens et d'une grande ombre qui marchait dans la musique.
Nous sommes à Londres à la fin du XIXe siècle, au moment où la révolution industrielle déverse sa violence et où la misère rode. « C'est dans cette époque qu'ont pris racine tous les maux actuels économiques et sociologiques », détaille Cyril Anton qui ajoute, « mon roman est un livre d'hier qui nous parle d'aujourd'hui. »
Un hymne aux blessés et aux exclus
Auteur de chansons, fou de cinéma, Cyril Anton est parti de la présentation de son héros et narrateur du roman pour agréger autour de lui une foule de personnages hétéroclites, cassés par la vie, dont Rose l'unijambiste qui, hormis son handicap, rappelle les deux actrices italiennes mythiques que sont Silvana Mangano et Claudia Cardinale.
Se dessine alors dans une prose lyrique traversée de clins d'œil à Manchette, Cocteau, Cendrars, Apollinaire, Gainsbourg, ou Pasolini, un hymne aux blessés, aux exclus, aux humiliés, le tout bâti sur des scènes très visuelles inspirées par Freaks, le film américain réalisé en 1932 par Tod Browning, et bien sûr Elephant Man, le long-métrage de David Lynch.
Pas de démonstration ici, tout est suggéré, la grammaire soutenant le chagrin d'Oscar (sa détermination aussi) met en lumière l'importance des corps, des décors dans une langue superbe qui mélange les genres. À la fois féerie inspirée du Grand-Guignol, thriller d'anticipation, western, plongée historique sur fond de Nocturne de Chopin et d'impromptus de Schubert, drame qui ne manque pas non plus d'humour, l'épopée d'Oscar Swinburne, devenu Oscar Dièse, montre combien il est douloureux pour lui de se sentir à la fois « Peau-Rouge, Juif, Bohémien, Indien, Noir, Irlandais, Arabe, nain, géant, fou, homosexuel, païen, et agnostique. »
Cette histoire offre une réflexion sur la capacité de résistance des hommes, leur cruauté, leurs rêves, secoués et éblouis. On ressort de ce premier roman happés par l'histoire et impressionnés par le style autant que par la structure narrative du récit qui casse la chronologie.
ISBN : 9782373852943
Collection : La Grande Collection
Domaine : Littérature française
Période : XXIe siècle
Pages : 192
Parution : 18 janvier 2024