No no boy
John Okada
Traduction de l’anglais (États-Unis) d’Anne-Sylvie Homassel • Ouvrage publié avec le concours du Centre national du Livre
Après l’attaque de Pearl Harbour en 1941, le gouvernement américain fait interner les immigrés d’origine japonaise et leurs familles dans des camps. Parmi eux, une partie des jeunes hommes refusent de rejoindre l’armée et de prêter allégeance aux États-Unis – une double objection synonyme de prison. Ces garçons sont surnommés les no no boys.
Unique roman de John Okada, No no boy suit le destin de l’un d’entre eux, Ichiro Yamada, lorsqu’il rentre chez lui, à Seattle, en 1946. Écartelé entre ses origines et son pays de naissance, il va devoir retrouver sa place dans une société qui a fait de lui un ennemi.
Roman majeur sur un épisode oublié de la Seconde Guerre mondiale, No no boy est l’évocation puissante et lucide d’une Amérique où les tensions raciales ne s’apaisent jamais.
À propos du titre
Le double « non » fait référence au questionnaire que le ministère de la Guerre fit remplir en 1942-1943 aux jeunes Japonais-Américains de deuxième génération internés. Les questions n° 27 et 28 étaient destinées à tester leur loyauté envers les États-Unis.
N°27 : Êtes-vous prêt à rejoindre les forces armées des États-Unis et à participer aux combats lorsque cela vous sera demandé ?
N°28 : Êtes-vous disposé à prêter allégeance aux États-Unis d’Amérique et à les défendre en toute loyauté contre toute attaque par des forces étrangères ou nationales, et à renoncer à toute autre forme de soumission ou d’obéissance à l’empereur du Japon ou à d’autres gouvernements, puissances ou organisations étrangères ?
Répondre non à ces deux questions était synonyme d’incarcération.
John Okada est né à Seattle en 1923 de parents issei. Il doit interrompre ses études universitaires en 1942 lorsque, comme plus de 100 000 Japonais-Américains, sa famille et lui sont internés. Il rejoint les rangs de l’armée américaine en 1943. Parlant couramment japonais, il est assigné à une mission de traduction des communications de l’armée japonaise, interceptées par des avions espions.
Après la guerre, il reprend ses études et, pourvu de diplômes en littérature et en bibliothéconomie, exercera divers métiers (bibliothécaire, journaliste…). En parallèle, il écrit des nouvelles, une pièce de théâtre, des essais et No no boy, qui sera publié en 1957. Son second roman fut brûlé par son épouse, après sa mort prématurée, en 1971, d’une crise cardiaque.
Le Monde diplomatique • Marina Da Silva
Au lendemain de l’attaque japonaise contre la marine américaine à Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, plus de cent mille nikkei, hommes, femmes et enfants, sont internés dans des camps à travers différents États du pays. Cette communauté est présente depuis soixante ans sur la côte ouest… Mais, « à compter de cet instant, les Japonais des États-Unis devinrent des animaux d’une espèce différente ».
En 1943, le ministère de la guerre établit un questionnaire pour les nisei, les Nippo-Américains de la seconde génération. En répondant « no » aux questions nos 27 et 28, qui leur demandent s’ils sont prêts à « rejoindre les forces armées des États-Unis » et à « prêter allégeance aux États-Unis d’Amérique », ainsi qu’à « renoncer à toute forme de soumission ou d’obéissance à l’empereur du Japon ou à d’autres gouvernements, puissances ou organisations étrangères », ils sont assurés de finir en camp de haute sécurité — principalement à Tulelake, en Californie — et d’être considérés comme des traîtres, devenant des parias jusqu’à la fin de leurs jours.
Ces « no no boys », qui auraient représenté jusqu’à 20 % des nisei, donnent son titre à la fiction noire de John Okada (1923-1971). Introuvable après sa première parution, en 1957, ce roman, le seul de l’écrivain, auteur par ailleurs d’essais et de nouvelles, est réédité en 1976, puis en 2014, et connaît depuis de nombreuses traductions. Okada a lui-même vécu l’expérience de l’internement, avant de se résoudre à rejoindre les rangs de l’armée américaine.
Ichiro Yamada, 25 ans, est le héros d’un roman qui fait vivre tout un peuple de personnages. Il revient à Seattle, chez ses parents — « une niche dans le mur » —, après deux ans de camp et deux autres de prison, « intrus en un monde qu’il ne pouvait prétendre sien ». Son père oublie sa dépression dans l’alcool. Sa mère flirte avec la folie, persuadée que le Japon a gagné la guerre et que son fils est un héros. Son jeune frère attend sa majorité pour intégrer l’armée américaine et toise son aîné avec une arrogance haineuse. Sur le campus où il avait commencé des études d’ingénieur, il n’est plus rien pour ses enseignants et n’a plus de camarades. Dans son quartier, ses anciens amis l’ont oublié, au mieux, et, au pis, lui crachent littéralement au visage.
En rupture avec les autres et avec lui-même, Ichiro, qui comprend qu’il a agi sous l’emprise de sa mère, alterne les monologues d’autocondamnation — « Se pouvait-il que tous les Japonais qui avaient renoncé à leur américanité dans un moment effroyable d’égarement ne puissent plus jamais la récupérer ? » — et de revendication — « Avec le temps je retrouverai une place ». Les autres jeunes tentent de s’intégrer en « fichant en l’air leur soirée » dans les bars ; lui semble voué à une déambulation existentielle qui ne le conduit que vers des paumés, des escrocs et des trafiquants.
Dans ce monde « moche, dégueulasse, puant, minable » qu’il parcourt, entre Seattle et Portland, des liens se tissent cependant. Avec Kenji, un vétéran qui a perdu sa jambe et qui n’a plus que deux ans à vivre ; avec Emi, dont le frère est un déserteur et que son mari a abandonnée pour la punir de cette trahison ; ou M. Carrick, « un sur un million », prêt à l’embaucher sans le condamner… Comme des promesses d’espérance.
ISBN : 9782373852271
ISBN ebook : 9782373852325
Collection : La Grande Collection
Domaine : États-unis
Période : XXe siècle
Pages : 480
Parution : 15 octobre 2020