Paysages sous la pluie
Marie-Noël Rio
Paris, années 1960. Alice a 20 ans. Elle forme avec Laure et Fleur un trio inséparable qui tente d’échapper — en vain — aux blessures et au vide intérieur. Ce n’est qu’au terme d’une longue marche hypnotique, dans une Inde noyée par la mousson d’été, qu’Alice parviendra, seule, à se sauver d’elle-même.
Née en 1944 en Bretagne, Marie-Noël Rio passe son enfance à Madagascar. De retour en France, elle est monteuse de cinéma, puis dramaturge dans le domaine de l’opéra contemporain et metteur en scène de théâtre dramatique, successivement à l’Opéra du Rhin et à l’Atelier du Rhin. Outre ses romans, Marie-Noël Rio écrit pour diverses publications – Théâtre Public, Le Monde diplomatique et Les Lettres françaises notamment ; elle est l’auteur de livrets d’opéras, de deux essais sur l’opéra contemporain, et de quatre livres de cuisine.
François Cérésa, Service littéraire
L’un est aux taquets, l’autre tente de se sauver d’elle-même. Jean-Marie Dallet et Marie-Noël Rio suivent peinardement leur chemin, loin du bruit et des modes, vent debout et l’âme en bandoulière. Ces deux écorchés se foutent bien des grands éditeurs. L’un navigue à Tahiti avec le Vent des îles, l’autre explore l’Inde avec les Éditions du Sonneur. Sexe et sextant pour Dallet, mousse et mousson pour Rio. Il faut d’ailleurs préciser que M. Dallet a publié aussi au Sonneur, avec la charmante Valérie Millet, et que sa misanthropie onirique s’accorde parfaitement avec la philanthropie cynique de Mme Rio. Dallet pourrait être l’homme de Rio et Rio la femme de Dallet. Ces deux-là ont en commun des questions sombres, des tragédies larvées, des blessures inguérissables. Le jongleur Dallet, en compagnie de Tita, de Tato et de son cador, file à bord de Lady Day entre ciel et terre ; l’équilibriste Rio, flanquée d’Alice, de Laure et de Fleur, enfile la pluie jusqu’en Inde. Les itinéraires de Dallet et Rio ne se croisent pas, il se complètent. Leurs récits aussi fluides que des drisses, balancés comme des chakras (eh oui, il faut beaucoup d’énergie pour sortir de la mouise), nous vont droit au cœur. Il est question d’horizon bien dégagé, de poésie, d’acrobate, d’océan qui se confond avec le cœur des choses et le corps des filles. Deux petits livres coruscants, loin des conneries estivales, avec un Tahiti disparu et une Inde qui renaît sans cesse.
Antoine Wicker, Dernières nouvelles d’Alsace
Il y faut renoncer à faire la part de ce qu’elle y convoque du réel, et de ce qu’ici elle invente : mais Marie-Noël Rio remonte bel et bien, de récit en récit, le fil d’une vie. Nous l’avions quittée dramaturge, librettiste et metteure en scène — Marie-Noël fut pendant plus de deux décennies, aux côtés de Pierre Barrat, de l’aventure de l’Atelier lyrique du Rhin à Colmar. Elle nous est un jour revenue écrivain, auteur d’essais sur l’opéra, de petits livres de cuisine qui lui valurent considérables et amusants succès d’édition, puis de brefs récits qui condensent l’écume en même temps que l’essence d’une vie : Marie-Noël Rio dans sa maison tranquille d’aujourd’hui, quelque part au nord de l’Europe, tente, dit-elle, de rassembler comme elle le peut, quand elles ne manquent pas tout simplement, les pages éparpillées du roman d’une vie à laquelle présida, dit-elle aussi, durable désordre. […] L’écho bouleversé de Pour Lili et du Palmier en Zinc traverse à tout instant ces Paysages sous la pluie qui, au seuil de l’été de 1968, entraînent la Petite parisienne jusqu’au plus intime d’une rédemptrice mais très violente expérience de l’Inde — « seule la violence aide où la violence règne ». […] Mais quelle est la vérité qui ici chemine ? Peu importe que cela ait eu lieu, ou que tout cela ne soit qu’illusion, invention, affabulation, songe la narratrice observant Alice survivante et qui quarante ans plus tard se souvient. Mais de l’expérience, de cette expérience intérieure, nul ne doute : « dans les débris d’une mémoire, dans les ruines du temps », écrit Marie-Noël Rio, mille vies, autant de rencontres et de lectures se mêlent et se confondent. Et Alice est de tout cela, comme elle est ce qu’en ses yeux imprima l’image qu’en Inde elle laissa derrière elle, de la petite mendiante, jambe pourrie d’une gangrène, bouche ouverte sur un cri que nul cette nuit-là n’entendit. Comme Alice est, aussi, la vieille chienne de Bombay, « chose vivante » et cependant pitoyable et innommable, « qui regarde de ses vieux yeux, la vieille chienne qu’elle est, encore un peu, dans la poussière et dans la beauté de la vie ». Regard de gouffre, dit-elle, où Alice vit la vie.
ISBN : 9782916136387
ISBN ebook : 9782373850161
Collection : La Grande Collection
Domaine : Littérature française
Période : XXIe siècle
Pages : 128
Parution : 19 mai 2011