Pour ou contre le tabac ?
Huysmans, Loti, Mallarmé, Verne…
En 1890, pour son dixième anniversaire, le journal Le Tabac — bimensuel indépendant à la gloire de l’« herbe à Nicot » — interroge les sommités du Tout-Paris littéraire, artistique, scientifique et mondain : « Êtes-vous pour ou contre le tabac ? »
La diversité des réponses d’une centaine de personnalités — parmi lesquelles Joris-Karl Huysmans, Pierre Loti, Stéphane Mallarmé, Hector Malot ou Jules Verne pour le monde littéraire — illustre avec humour et finesse l’intensité d’un débat plus que jamais d’actualité un siècle plus tard.
Évelyne Pieiller, La Quinzaine littéraire
En 1891, un périodique sobrement nommé Le Tabac demande, pour son dixième anniversaire, aux célébrités du temps leur opinion sur le tabac.
Aurélien Scholl, dans sa préface au volume qui rassemble les réponses, est ferme : les malheureux qui ne fument pas appartiennent à une race inférieure qu’il faut plaindre. Nombreux sont ceux qui partagent ce vigoureux point de vue. Assez merveilleusement, c’est essentiellement de plaisir qu’il s’agit, et non de péché. Il faut dire que cette fin de siècle connaissait d’autres débordements, mais il est néanmoins remarquable que ce qui hante (on a les obsessions qu’on mérite) notre pauvre temps, la faiblesse de la volonté, le rayonnement homicide, le lent suicide, coûteux de surcroît, qui identifient le lamentable fumeur, est à peu près absent des considérations d’alors. S’affirme la conviction que « petits plaisirs qui font joie, valent mieux que grands plaisirs qui ne durent », les féministes affichent leur bonheur de fumer comme les hommes, le cancer des fumeurs est balayé comme un conte pour nourrice, et l’hypothèse hygiéniste selon laquelle le tabac attaquerait la mémoire est démolie avec arrogance. S’affrontent en revanche les préférences, cigare, cigarette, et les conseils pour les apprécier. Le lecteur d’aujourd’hui ne peut qu’éprouver une nostalgie intense, lui que n’aura plus même le droit d’entendre sur scène l’Éloge du tabac…
Anne-Marie Mitchell, La Marseillaise
Grand fumeur devant l’Éternel, Michel Houellebecq nous exhorte à ne pas nous laisser emmerder par les campagnes de prévention anti-tabac. Il aurait sans doute aimé répondre, à la fin de l’année 1890, à la question posée par le bimensuel Tabac : « Êtes-vous pour ou contre le tabac ? » Quatre-vingt-onze célébrités de l’époque y ont répondu à sa place. Petit échantillon : La fumerie est un vice… dans un siècle ou deux, le cerveau des générations futures aura quelque besoin d’être ramoné. — Le tabac, c’est comme la religion, je n’en use pas, mais je souhaiterais que les pratiquants aient certains égards pour les libres penseurs. — Je n’appartiens pas à la classe des gens qui s‘écrient : le tabac tue ! Ni à la classe des fanatiques, lesquels ne cessent de répéter : le tabac fait vivre. Je suis centre gauche. » […] Vous aurez compris que j’ai adoré. Signalons, chez le même éditeur, Du péril de l’ignorance de Hugo. En une trentaine de pages, le grand Victor en dit plus long sur l’importance de la culture que le bla-bla-bla des grimauds de la pédagogie. Je l’imagine bien accueillant Jacqueline de Romilly à la sortie de son wagon de voyageurs pour l’au-delà.
ISBN : 9782916136332
Collection : La Petite Collection
Domaine : Littérature française
Période : XIXe siècle
Pages : 96
Parution : 15 novembre 2010