Quiconque nourrit un homme est son maître
Jack London
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Moea Durieux • Préface de Jean-Marie Dallet
On connaît le Jack London aventurier du grand Nord, marin des mers du Sud, chercheur d’or, vagabond du rail. On connaît aussi le London chantre de la nature sauvage, militant politique, défenseur des déshérités. Mais on ignore souvent le London polémiste qui, prenant ici prétexte de la condition de l’écrivain obligé de prostituer son talent pour vivre, fustige une société où l’argent est roi.
Né à San Francisco en 1876, Jack London est issu d’un milieu marginal. Il parvient au succès après des années de pauvreté, de vagabondage et d’aventures en écrivant L’Appel de la forêt. Ses nouvelles et ses romans sont souvent des récits de voyage où la nature représente un idéal de pureté face à l’injustice de la société. London a aussi été un militant socialiste très actif et nombre de ses textes, comme Le Peuple de l’abîme, Le Talon de fer, ou Révolution et autres essais – dont est extrait Construire une maison – sont de féroces critiques sociales. Jack London meurt en 1916 à Glen Ellen.
Olivier Quelier, BSC News
Aventurier, marin et chercheur d’or, Jack London était aussi un polémiste de talent, comme le prouve ce texte de 1902. Quiconque nourrit un homme est son maître jette un regard critique sur la condition de l’écrivain et, au-delà, sur un monde mené par l’argent. Les journalistes constateront avec amertume qu’au début du vingtième siècle déjà, « le rédacteur en chef est dominé par le directeur commercial qui garde les yeux rivés sur le tirage » puisqu’un gros tirage « apporte la publicité qui fait rentrer l’argent ». Le rédacteur en chef ne fait pas « commerce d’immortalité ». Peu lui importent les textes ou les nouvelles qui s’inscriront dans la durée : « Le plus grand nombre réclame de la littérature immédiate », se moquant de « l’estimation à long terme ». Ce public est prêt à payer quelques cents pour acheter le magazine et, donc, nourrir l’écrivain. Or, « quiconque nourrit un homme est son maître ». Tout le paradoxe de l’homme de plume réside dans ce dilemme : l’ambition face à la nécessité ; l’immortalité ou du pain et de la viande : « Le monde s’oppose étrangement et implacablement à ce qu’il échange la joie de son cœur contre le réconfort de son estomac. »
Service littéraire
Au temps où Jack London tripotait au fond de sa poche une patte de lapin porte-bonheur, les lapins étaient de meilleure qualité qu’aujourd’hui. Les rapports entre les écrivains et la société, eux, ne l’étaient pas.
Deux auteurs américains, au tout début du vingtième siècle, décrivent cet antagonisme dans des textes qu’éditent les Éditions du Sonneur, Le Vice de la lecture d’Edith Wharton et Quiconque nourrit un homme est son maître de Jack London.
Les romans de London et Wharton diffèrent du tout au tout — ceux du premier, ouverts sur le grand large et la misère du monde, ceux de la seconde, peignant la décadence et la corruption de la haute société américain qui est la sienne. En revanche, ces deux textes polémiques se font écho et naviguent sur la même ligne de crête. London comme Wharton sont persuadés que l’auteur de talent emploie les mots que lui dicte une conviction intime et ne se demande pas si ces mots plairont. Ils sont aussi convaincus que sans révolte, on ne peut écrire, on ne peut être écrivain.
ISBN : 9782916136158
ISBN ebook : 9782373850178
Collection : La Petite Collection
Domaine : Littérature étrangère, États-unis
Période : XXe siècle
Pages : 48
Parution : 5 mars 2009