Une immense sensation de calme
Laurine Roux
Texte publié sous la direction de Marc Villemain.
Prix SGDL Révélation 2018
Alors qu’elle vient d’enterrer sa grand-mère, une jeune fille rencontre Igor. Cet être sauvage et magnétique, presque animal, livre du poisson séché à de vieilles femmes isolées dans la montagne, ultimes témoins d’une guerre qui, cinquante ans plus tôt, ne laissa aucun homme debout, hormis les « Invisibles », parias d’un monde que traversent les plus curieuses légendes.
Au plus noir du conte, Laurine Roux dit dans ce premier roman le sublime d’une nature souveraine et le merveilleux d’une vie qu’illumine le côtoiement permanent de la mort et de l’amour.
Valérie Susset, L’Est Républicain
Une petite merveille que ce premier roman de Laurine Roux ! En déposant la poésie de sa langue superbe dans l’âpreté d’un Grand Nord battu par un vent glacial, en contant le cheminement viscéralement amoureux de sa narratrice auprès d’Igor, l’homme animal, l’écrivaine détresse les légendes pour que toujours la mort chemine avec la vie… sans que jamais la noirceur n’éteigne la lumière. Dans cet étrange pays où les cours d’histoire ne remontent pas à plus de cinquante ans, où les femmes ont choisi le Grand-Oubli pour laisser la douleur au bord de leurs lèvres après que des oiseaux de fer ont décimé les hommes en crachant leurs boules de feu, la jeune fille dont on ne saura pas le prénom n’oubliera jamais sa Baba dont « les histoires d’un autre temps s’égrenaient en ronds de fumée ». Mais avec Igor aux baisers verts et bleus, dont « le calme répand autour de lui un périmètre ouaté dans lequel les battements de [son] cœur s’assouplissent », elle renoncera peu à peu à la peur et à l’inquiétude. Dans cette nature rugueuse et organique où les graines de karja aident à supporter un passé au goût d’épine, où la cruauté des hommes a semé des fleurs de sang, où « il n’y a plus de place pour la parole » mais où, certains soirs, dans le crépitement du feu, les mots se déroulent en rubans sur lesquels sont brodées des épopées… l’humain comprend vite qu’il n’est que de passage. Que son existence « n’a pas plus d’importance que le nuage ou la bécasse. Pas moins non plus. » Et une fois le livre refermé, la narratrice n’est plus seule à ressentir « une immense sensation de calme »…
Camille Cloarec, Le Matricule des Anges
Quelque part dans le Grand Nord, , après le Grand Oubli, en proie au Grand Sommeil. Le premier roman de Laurine Roux, auteure de poèmes et de nouvelles, est pétri de grandeurs et d’images. Dans un monde glacial, ravagé par une guerre devenue taboue, des hommes luttent contre la nature. Tout y est extrême. Les températures, les dangers et l’amour. Ainsi en va-t-il de la fascination de la narratrice pour Igor. Dès l’instant où elle l’aperçoit au moins dans les montagnes, elle sait qu’elle le suivra sa vie restant. « J’ai souvent cette impression d’être aspirée jusqu’à m’évaporer dans son sillage », constate-t-elle des mois plus tard, alors qu’ils progressent au hasard des chemins. Leur route est parsemée de rencontres aux noms mémorables (Tochko, Grisha). Ces personnages mystérieux sont dépositaires des légendes du passé. Leurs propres histoires, denses, mystérieuses, ils la livrent au compte-goutte à la jeune femme. Son compagnon demeure de pierre – « sa main est grise comme un caillou, son esprit dure comme le calcaire » – marcheur infatigable et muet. Tandis qu’il se perd dans la taïga, elle recueille les précieuses paroles des ainés, qui ont connu l’avant-guerre. Il est question d’orphelinat, d’épidémie, de massacre. Le désir est aussi évoqué « pareil à la glace qui brûle à force de froid ». Autant de récits qui passionnent la narratrice, la propulsant au cœur d’un monde qu’elle n’a pas connu.
L’univers de Laurine Roux laisse la voie libre à un imaginaire d’une singulière pureté. La nature, brute et rigoureuse, est le vrai protagoniste de son texte. Elle seule peut décider, sauver, détruire. Elle seule maîtrise le vent froid des montagnes, le Knik. Une immense sensation de calme, épopée tranquille et nomade, oscille entre ode aux grands espaces et fable merveilleuse, sans jamais faire de halte. Puisque « l’instant s’échappe vers un autre, insaisissable. En chute permanente, ou plutôt en grande glissade, car le temps n’est qu’une succession d’effondrements à l’infini ».
ISBN : 9782373850765
ISBN ebook : 9782373850840
Collection : La Grande Collection
Domaine : Littérature française
Période : XXIe siècle
Pages : 128
Parution : 15 mars 2018