Comment j’ai fait mon dictionnaire
Émile Littré
En 1841, l’éditeur Louis Hachette confie à Émile Littré (1801-1881) la rédaction d’un dictionnaire de la langue française, dont le dernier volume est imprimé en 1872. Dans l’intervalle, plus de 400 000 pages écrites, d’innombrables heures d’obstination, la succession de multiples collaborateurs — lexicographes, correcteurs, typographes, imprimeurs… —, sans compter la guerre franco-prussienne et la Commune. Comment j’ai fait mon dictionnaire n’est pas l’ode d’Émile Littré à sa propre gloire, mais le récit d’un travail titanesque, semé d’embûches, traversé de doutes, le témoignage d’un temps où un dictionnaire se rédigeait sur des petits bouts de papier qui, assemblés, ont fini par constituer l’immense œuvre que l’on sait.
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Aurélie Le Floch, la_mangue_orpheline
Comment j’ai fait mon dictionnaire retrace l’entreprise édifiante d’Émile Littré (1801-1881), auteur du fameux Dictionnaire de la langue française. Dans ce court texte au style enlevé, Littré fait le récit d’un chantier d’envergure qui devait l’occuper durant presque trente années de sa vie. En 1841, il soumet l’idée à Louis Hachette, « le grand libraire », son vieil ami de collège. Le dernier volume du Dictionnaire ne sera imprimé qu’en 1872. Entre temps, un faux départ, des centaines de pages écrites, corrigées, remaniées, des moments d’exaltation et de découragement, des nuits blanches, la Commune et la guerre de 1870.
Comment j’ai fait mon dictionnaire montre un homme d’érudition au travail et prend parfois l’allure d’une confession. Sans auto-complaisance ni fausse modestie, Littré y revient sur chacune des étapes de son projet. […] Cette entreprise incertaine ressemble à une course d’obstacles. Pour mener à bien son projet dans le peu de temps dont il dispose, Littré s’entoure de collaborateurs dévoués et scrupuleux, met en place un processus éditorial sur-mesure, adopte un emploi du temps monastique. Son travail s’immisce dans les moindres recoins de sa vie, puisqu’il se fait aussi assister de sa femme et de sa fille. Pourtant, au fur et à mesure qu’il conçoit l’ouvrage, surgissent mille et un problèmes qu’il n’avait pas envisagés. Ainsi, après plusieurs années de rédaction, il pense en avoir enfin fini avec son manuscrit… mais déchante vite en commençant à préparer le texte pour l’impression : « Quel ne fut pas mon désespoir, le mot n’a rien d’exagéré, quand je me convainquis qu’en l’état je n’avais aucun moyen de fournir de la copie en quantité et en qualité suffisantes à une imprimerie qui allait en consommer beaucoup ! » Littré réalise en effet qu’il lui faut retravailler en profondeur son ouvrage et l’étoffer, de telle sorte que « la première rédaction dispar[aît] comme un embryon dans la seconde ».
[…] À lire Littré, on ressent comme il est délicat d’embrasser, intellectuellement et matériellement, la totalité d’une œuvre telle que son dictionnaire, pour la faire exister. On admire aussi l’ingéniosité qu’il déploie pour résoudre les difficultés — sans ordinateur, sans base de données, sans PAO. Enfin, on goûte avec lui la satisfaction du travail accompli et la reconnaissance des curieux, ultime récompense d’une telle implication : « Plus d’une fois il m’est revenu que, cherchant un mot, le chercheur s’attarda et suivit la lecture comme il eût fait d’un livre ordinaire et courant. J’avoue que ces dires n’ont jamais manqué de chatouiller de mon cœur l’orgueilleuse faiblesse. »
Comment j’ai fait mon dictionnaire se lit comme on parcourt une épopée, d’une seule traite. C’est aussi un joli objet, comme tous les volumes de la Petite Collection des Éditions du Sonneur.
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ISBN : 9782916136264
Collection : La Petite Collection
Domaine : Littérature française
Période : XIXe siècle
Pages : 96
Parution : 21 mai 2010